PAYS DE MALHEUR !

DE YOUNÉS AMRANI & STÉPHANE BEAUD

ÉDITIONS DE LA DÉCOUVERTE - PARIS 2004

Un jeune des cités écrit à un sociologue

Site de travail autour de la proposition de la

Cie Passeurs de Mémoires

1 - Un  livre : Pays de malheur !


En 2004 – un an, donc, avant les émeutes de 2005, parait, aux Editions de la Découverte, Pays de malheur ! Un jeune de cité écrit à un sociologue, ouvrage cosigné par Younès Amrani et Stéphane Beaud.


Je me permets d’en reproduire ici la «quatrième de couverture», très parlante:

«Cher monsieur, je me permets de vous écrire pour vous remercier. J’ai terminé votre enquête «80% au bac…et après»? C’est un livre qui m’a à la fois ému (j’ai souvent eu les larmes aux yeux) et mis en colère (contre moi-même). C’est incroyable à quel point les vies que vous avez décrites ressemblent à la mienne…»


C’est ainsi que débute la correspondance électronique entre le sociologue Stéphane Beaud et Younès Amrani, un jeune homme de 28 ans, qui travaille comme emploi-jeune à la bibliothèque municipale d’une ville de la banlieue lyonnaise. Cette correspondance, qui va durer plus d’une année, constitue un document  exceptionnel  sur les espoirs et les souffrances intimes des jeunes d’origine maghrébine. Les confidences de Younès en disent long sur le sentiment de non reconnaissance et parfois d’abandon moral dont il souffre au quotidien. A travers ce dialogue amical surgissent peu à peu les différents aspects de l’histoire personnelle et familiale de Younès et les contradictions sociales qui les traversent.


Ce témoignage peut ainsi aider à combattre la vision stéréotypée et réductrice du «jeune de banlieue ». Il fait émerger, à travers la figure de son principal protagoniste, des traits essentiels de la personnalité sociale de nombreux jeunes de cité: un esprit de révolte, l’envie de comprendre le monde social, le goût pour la politique, le sens de l’analyse.


Sept ans plus tard, ce constat s’est aggravé: le «sentiment de non reconnaissance et parfois d’abandon moral» n’a fait que croitre, ainsi qu’en retour, «l’esprit de révolte». Et s’est accrue, d’autant, la nécessité de combattre les images stéréotypées et les condamnations essentialistes à l’emporte pièce, où le «jeune de cité» prend la place de l’indigène de jadis, dans une négation de l’Autre sans cesse renouvelée.


Pays de malheur ! demeure  à ce jour un témoignage sans équivalent. Aucun des aspects concrets de la vie et des problèmes auxquels est confronté tout jeune français d’origine maghrébine n’est laissé de côté: le poids du milieu familial, parents, frères et sœurs; le parcours scolaire, les profs, les copains, les filles; la «période religieuse»,  les pièges de la drogue…Et, dominant le tout, le poids des discriminations, du racisme, et cette certitude de plus en plus sombre que «rien n’est fait pour nous», mise en évidence de la spirale d’un échec programmé, état des lieux des effets de ce qu’un autre sociologue, Robert Castel, nomme la «discrimination négative». 


Mis en confiance par le questionnement aigu et chaleureux de Stéphane Beaud, Younès Amrani «plonge», se livre avec une totale sincérité. Sa parole est vive, heurtée, souvent douloureuse, jamais auto-complaisante, jamais victimaire. Elle exprime une double urgence, celle du contexte dans lequel se déroule l’échange des mails inscrit dans le cadre contraignant des horaires de travail de Younès, urgence  qui renvoie elle-même à celle, plus profonde, de la situation. Surtout, par l’acuité de ses «confidences» et la profondeur de ses analyses, elle donne à lire un double itinéraire, celui, unique,  d’un individu à bien des égards remarquable, et celui, collectif, de tous les sans-voix auxquels Younès Amrani dédie son histoire et dont il ne cherche jamais –volonté explicitement formulée- à se distinguer: «à tous ceux qui n’ont pas eu la chance, comme moi, de pouvoir extérioriser leur souffrance, leur mal-être, leurs rancoeurs et leurs regrets. A tous ceux qui, par manque d’écoute, de soutien, ou de chance tout simplement, ont eu une jeunesse privée de tout ou alors une jeunesse mutilée.»


2 - Un projet


Vouloir construire une forme théâtrale, aujourd’hui, à partir de Pays de malheur !, c’est, à mes yeux, vouloir rendre sensible, sur scène, deux dimensions essentielles que  le récit de Younès révèle:


1/ sa volonté de s’inscrire au cœur d’une destinée collective, qui interdit, sur le plateau, toute approche psychologique, personnalisée, du «personnage», et qui induit, inversement, une recherche de type choral.


2/ les aspects intergénérationnels de l’histoire du «jeune de cité»: Younès situe clairement son histoire en regard de celle des générations qui l’entourent: son monde n’est plus celui de ses parents; il n’est déjà plus celui des «jeunes», à côté desquels il fait déjà figure d’«ancien». Tout bouge autour de lui, très vite. Et tout a continué de bouger, depuis la parution du livre…

Sans préjuger, à ce jour, de la forme définitive du spectacle et des différentes formes d’expression artistique auquel il pourra faire appel, celui-ci devra donc, à mes yeux, se construire autour d’un double dialogue: entre individu et collectif, et entre «Younès 2004» et «jeunes d’aujourd’hui».

 

D’où la proposition d’un projet en deux temps:

A/ Confrontations (Janvier 2012/ Juin 2012):

1/ En guise de «carte de visite», une présentation du «monde de Younès», sous forme de lectures de pages du livre, proposées à des adolescents et jeunes adultes de Paris (11eme) et de la région parisienne (Saint-Ouen et Aubervilliers -pour l’instant, d’autres contacts étant en cours, à Montreuil, notamment.)  –lycéens, étudiants, jeunes travailleurs, sans emploi.

2/ La mise en place, simultanément, d’ateliers/stages «réactifs». Pas question, au départ, de privilégier tel ou tel type d’atelier plutôt qu’un autre. Théâtre, écriture, slam, poésie, rap, interviews et captations vidéo (etc.): plus nombreuses seront les pistes et les formes envisagées, plus riche sera l’échange final. On peut envisager –mais pas de façon systématique- des présentations autonomes de ces travaux d’ateliers.

 

B/ Le  spectacle (création prévue mars 2013 à La Maison des Métallos - Paris )

Un travail choral, réunissant le maximum des participants des ateliers de la saison précédente. Pas question, à ce jour, d’en déterminer plus précisément la forme: elle découlera nécessairement des propositions issues de ces ateliers…

Le temps des ateliers sera un temps « en soi » et, sans doute, certains n’iront pas plus loin. En revanche, toute personne ayant participé à ce premier temps et souhaitant aller jusqu’au bout du projet sera assurée de trouver toute  sa place sur le plateau…

 

La première série des ateliers se déroulera donc entre février et avril 2012, la seconde entre juillet et novembre. Il ne s’agira pas, au cours de  ces ateliers, d’arriver à une production déjà achevée, un produit fini. Ce seront avant tout des lieux  de recherches collectives,  diversifiées en fonction des intervenants, et d’échanges. On sollicitera abondamment les réactions, les témoignages de chaque participant. Ce seront des moments pluriels : une première partie du stage sera consacrée à l’approche du témoignage de Younès (lecture/réactions) ; il y aura très vite passage à la pratique –pratique différente, ici et là, selon la spécificité des animateurs : la pratique théâtrale sera la base partout (mise en lecture, mise en voix, mise en jeu, mise en corps, individuelle et chorale) ; mais chaque atelier prendra la couleur proposée par le  second animateur (ici, « mise en réaction » par l’écriture, là, « mise en réaction » par la danse hip-hop).


Dominique Lurcel

CONTACT

Administration Céline Bothorel cbothorel@gmail.com

 

Contact Compagnie 

Dominique Lurcel

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